LOI SUR LES RETRAITES OUVRIERES ET PAYSANNES

Adoptée par la chambre et le Sénat le 5 avril 1910

Les antécédents

L’institution de la caisse nationale des retraites pour la vieillesse (1850) l'allocation de subventions aux sociétés de secours mutuels assurant des retraites à leurs membres, l'organisation en 1905 de l'assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables sont autant de précédents de la loi du 5 avril 1910.

Depuis le dépôt, en 1879, de la proposition Martin Nadaud tendant à instituer des retraites ouvrières, deux projets avaient été présentés par le gouvernement, ainsi que de nombreuses propositions émanant des abbés Lemire, et Gayraud (1901), de Millerand et Guieysse (1902), de Vaillant (1902), etc.

 

Le vote de la loi

Le texte adopté par la Chambre avait soulevé au Sénat des critiques d'ordre fiscal que le gouvernement avait reconnu fondées et la commission compétente, présidée par Cuvinot, fit subir au projet de profondes modifications; mais le ministre du Travail, René Viviani, soutenu par Ribot et Monis, réussit à persuader la haute assemblée, qui décida de passer à la discussion des articles. La première délibération s'acheva le 12 février 1910, et l'ensemble de la loi fut définitivement adopté en seconde lecture, le 22 mars, par 280 votants contre 3. La Chambre ayant adopté sans modifications le texte du Sénat, la loi put être promulguée le 5 avril 1910.

Entre le système allemand de l'obligation et le système belge de la " liberté subsidiée ", le Parlement  français adopta un système transactionnel : il institua l' assurance obligatoire pour certaines catégories de travailleurs et en admit d'autres au bénéfice facultatif de la loi :

Le bénéfice de l'assurance obligatoire est accordé aux salariés des deux sexes de l' industrie, du commerce, des professions libérales et de l' agriculture, aux serviteurs à gages, aux salariés non pensionnés de l' État des départements et des communes (1), pourvu que leur rémunération annuelle ne dépasse pas 3 000 francs.(*) Toutes les personnes d'une même famille, y compris les femmes et les enfants, sont obligatoirement assurées si chacune d' elles réunit les conditions prévues par la loi.

La retraite de vieillesse (2) est constituée par les versements obligatoires et facultatifs des assurés et par les contributions des employeurs, auxquels viennent s'ajouter des allocations viagères de l'État.
Les versements obligatoires des salariés, comme les contributions des employeurs, sont établis sur les bases suivantes :
Les versements annuels seront de neuf francs (9 fr.) pour les hommes, six francs (6fr.) pour les femmes et quatre francs cinquante centimes (4 fr. 50) pour les mineurs au-dessous de dix-huit ans, soit par journée de travail : trois centimes (3 c.), deux centimes (2 c.) et 1 centime cinq millièmes (1 c. 5.).
La contribution de l'employeur reste exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit. En imposant aux assurés le versement d'une contribution, le législateur a voulu encourager l'habitude de la prévoyance.

En dehors de ses versements obligatoires, l'assuré a le droit d'effectuer des versements facultatifs pour augmenter le montant de sa retraite.

Le capital qui sert à constituer la pension de retraite d'un assuré est formé par l'accumulation de ses versements annuels et de la contribution patronale, L' état ajoute à la pension que s'est acquise l'assuré une allocation viagère (3).

La loi admet à l'assurance facultative les fermiers, métayers, cultivateur, (propriétaires, exploitants), artisans et petits patrons travaillant seuls ou avec un seul ouvrier ou avec des membres de leur famille, salaries ou non et vivant sous le même toit ; les membres non salariés de la famille de ces assurés ; les femmes et veuves non salariées des assurés obligatoires et des assurés facultatifs; enfin tous les salariés dont le gain annuel est supérieur à 3 000 francs, mais n'excède pas 5 000 francs.

 

 

(1) La loi du 5 avril 1910 autorise le maintien ou la création (par décret) des caisses de retraites ou des règlements de retraites institués en faveur des salariés non pensionnés de l’ Etat, des départements et des communes.

(2) L'âge normal de la retraite, fixé d'abord à 65 ans, fut ultérieurement abaissé à 60 ans. L'assuré a la faculté, d'en ajourner la liquidation jusqu'à l' âge de 65 ans ; il peut, par contre, la demander à 55 ans, mais la rente viagère correspondant aux versements est, dans ce cas, naturellement plus faible (Loi du 27 février 1912).

(3) La loi du 27 février 1912 a porté de 60 francs à 100 francs le montant de l'allocation annuelle accordée par l'État à tout assuré âgé de 60 ans qui a, pendant sa carrière, effectué 30 versements annuels. L'allocation est bonifiée d'un dixième pour tout, assuré ayant élevé au moins trois enfants jusqu'à l'âge de 16 ans. Pour les hommes ayant fait leur service militaire, le nombre de versements obligatoires est réduit en proportion du nombre d'années de présence sous les drapeaux; pour les femmes, chaque naissance d'enfant compte pour une année d'assurance.

(*) pour se fixer un ordre de grandeur, en octobre 1910 les cheminots se mettront en grève pour obtenir un salaire journalier de 5 francs soit pour 300 jours de travail un salaire annuel de 1500 francs

Au 1er janvier 1912 on dénombre 2 560 000 assurés obligatoires et 360 000 assurés facultatifs.

 tout le texte de loi

 

  Fiche revue le 17/02/2010

Document N° 066