L’AFFAIRE DREYFUS

1894 – 1906

 

Avis au lecteur: L'affaire Dreyfus est assez compliquée, si vous souhaitez une information générale, vous pouvez vous contenter des encadrés, par contre si vous voulez des détails le reste du texte est extrait du Larousse "histoire contemporaine " de l'époque  à la fin du texte il y a la liste des protagonistes.

1er épisode (1894)

C’est dans un climat d’antisémitisme exacerbé que , en 1894, le service du renseignement français qui disposait d’un agent à l’ambassade allemande entre en possession d’un document " le bordereau ". Adressé au major Schwartzkoppen, attaché militaire allemand , par un officier français, il promettait de fournir différents renseignements militaires. Suite à une enquête du commandant du Paty de Clam, l’écriture du bordereau est identifiée comme étant celle du capitaine Dreyfus d’origine juive. Le capitaine DREYFUS est accusé de trahison sous la foi de ce document " le bordereau " qui est remis aux juges par le commandant Henri. Lors du procès un dossier est remis par le général Mercier ministre de la guerre aux juges mais l’accusé et son défenseur n’en ont pas connaissance. Dreyfus est condamné le 22 décembre 1894 à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée et à la dégradation militaire.

 

La condamnation du capitaine Dreyfus.

- Le 15 octobre 1894 un capitaine d'artillerie était arrêté au ministère de la Guerre sous l'inculpation de haute trahison. Alfred Dreyfus, né, à Mulhouse le 9 octobre 1859, avait conservé la nationalité française, son père ayant opté, pour la France. Ancien élève de l'École polytechnique, capitaine d'artillerie en 1889, sorti de l'École de guerre en 1892 avec la mention " très bien ", il était depuis 1893 affecté au 14ème d'artillerie et détaché comme stagiaire au 2ème bureau de l'état-major général.

A la fin de septembre 1894, le Bureau des renseignements au ministère de la Guerre reçut un document adressé à l'attaché militaire d'une ambassade étrangère et soustrait par une personne désignée sous le nom de la "voie ordinaire ". Remis au commandant Henry, ce document, qu'on appela couramment le bordereau, était une lettre - missive non signée, ni datée, écrite sur papier pelure, et ainsi conçue :

-Sans nouvelles m'indiquant que vous désirez me voir, je vous adresse cependant, Monsieur, quelques renseignements intéressants :
1, Une note sur le frein hydraulique du 120 et la manière dont s'est conduite cette pièce:
2° Une note sur les troupes de couverture (quelques modifications seront apportées par le nouveau plan) ;
3° Une note sur une modification aux formations de l'artillerie;
4° Une note relative à Madagascar;
5° Le projet de manuel de tir de l'artillerie de campagne (14 mars 1894).

Ce dernier document est extrêmement difficile à se procurer et je ne puis l'avoir à ma disposition que très peu de jours. Le ministère de la Guerre en a envoyé un nombre fixe dans les corps et ces corps en sont responsables. Chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres
Si donc vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition après, je le reprendrai. A moins que vous ne vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie.
Je vais partir en manœuvres.

On estima, au ministère de la Guerre, que le document émanait d'un officier d'artillerie et que cet officier appartenait à l'état-major des notes sur les troupes de couverture et sur Madagascar concernant des travaux faits à l'administration centrale. Procédant par comparaison d'écritures, on soupçonna le capitaine Dreyfus, et le ministre, général Mercier, décida que l'affaire serait suivie. Cinq Experts en écriture furent successivement choisis : deux, Gobert et Pelletier se prononcèrent contre l'attribution du bordereau à Dreyfus ; trois, Bertillon, Étienne Charavay et Teissonnières pour cette attribution. Le 15 octobre, Dreyfus fut arrêté par le commandant du Paty de Clam chargé de l’enquête préparatoire (épreuves de dictée, perquisition, etc.), et l'instruction fut confiée au commandant d'Ormescheville, dont le rapport faisait état de la ressemblance des écritures certifiées par la majorité des experts, mentionnait des habitudes de jeu et d'inconduite attribuées à Dreyfus par l'agent de police Guénée, et concluait que les renseignements du bordereau avaient pu être recueillis par cet officier.

Le 19 décembre 1894 commença, devant le 1er conseil de guerre du gouvernement militaire de Paris, présidé par le colonel Maurel, le procès Dreyfus. Le conseil, à l'unanimité, ordonna le huis clos, conformément aux réquisitions du commandant Brisset, commissaire du gouvernement, et malgré le défenseur de l'accusé, Me Demange: il entendit vingt-sept témoins à charge et douze à décharge. Les débats prirent quatre séances. " Je sais par une personne honorable, dit le commandant Henry, au cours de sa déposition, qu'un officier trahissait au 2ème bureau, et cet officier, le voici. " En chambre du conseil, ainsi qu'on l'apprit plus tard, il fut, communiqué aux juges un dossier secret envoyé par le ministre de la Guerre et accompagné d'un commentaire, dont l'auteur était le commandant du Paty de Clam.

Le 22 décembre, le jugement fut prononcé en séance publique. Une question unique était posée au conseil

-." Alfred Dreyfus capitaine breveté au 140 régiment d'artillerie, stagiaire d'état-major, est-il coupable d'avoir, en 1894, à Paris, livré à une puissance étrangère ou à ses agents un certain nombre de pièces et documents intéressant la sécurité nationale, et d'avoir entretenu avec celle puissance des intelligences pour l'engager à commettre des hostilités ou ' à entreprendre la guerre contre la France ou pour lui en fournir les moyens ? "

Le conseil répondit à l'unanimité : Oui, l'accusé est coupable "; et, à unanimité également, il condamna Dreyfus " à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée et à la dégradation militaire ", en vertu de l'article 113 du Code de justice militaire, modifié par l'article 5 de la Constitution de 1848 qui abolit la peine de mort en matière politique.

Le pourvoi de Dreyfus est rejeté

Le pourvoi de Dreyfus, basé sur ce que le huis clos n'avait pas été prononcé régulièrement, fut rejeté par le conseil de révision de Paris, et le condamné subit la dégradation publique le 5 janvier 1895, à neuf heures du matin, dans la cour de l'École militaire. Envoyé à Saint-Martin-de-Ré, il en partit, à la fin de février, pour les îles du Salut, dépendantes de la Guyane; il y fut interné à l'île du Diable.

Le conseil de guerre n'avait pu, en l'état de la législation, prononcer une condamnation à mort, et le public avait eu peine à comprendre que Dreyfus n'eût pas payé de sa tête l’acte odieux dont ses juges l'avaient déclaré coupable. Aussi, à une interpellation de Gauthier (de Clagny), le général Mercier avait-il répondu (24 décembre 1894) par le dépôt d'un projet sur l'espionnage rétablissant, pour le cas de trahison, " la peine de mort qui seule, répond à l'énormité du crime ".

Jaurès opposa au projet du gouvernement une proposition de loi tendant à abroger les articles du Code de justice militaire qui punissent de la peine capitale le soldat coupable d'un acte de violence envers ses supérieurs. Comparant le sort des militaires fusillés pour , une minute d'égarement " à celui de Bazaine, (qui préféra voir les Prussiens occuper Paris que les républicains) il prétendit qu'il existait dans notre arsenal législatif des dispositions permettant, si on l'eut voulu, de condamner Dreyfus à mort. Et cette assertion, qui mettait cause le conseil de guerre déchaîna un tumulte tel que le président de la Chambre appliqua à l'orateur socialiste la censure avec exclusion temporaire. La séance dut être suspendue et, à la reprise, la question préalable, conformément à la demande du gouvernement, fut votée par 419 voix contre 90.

 

2ème épisode (1896-1898)

     Le journal l’éclair révèle l’existence du dossier secret remis aux juges.
     En mars 1896 le lieutenant colonel Picquart, officier au 2ème bureau reçoit communication d’un pneumatique ( le " petit bleu ") qui révèle une correspondance entre Schwartzkoppen et un officier français d’origine hongroise, couvert de dettes, Esterhazy. Or l’écriture d’ Esterhazy ressemble à celle de Dreyfus. Picquart est alors persuadé que le bordereau a été écrit par Esterhazy et non pas par Dreyfus. Les généraux responsables de l’Etat Major , de Boisdeffre et Gonse refusent de rouvrir l’enquête.
     En novembre 96 soupçonné d’avoir communiqué le bordereau au journal " le Matin ", Picquart est démis de ses fonctions et remplacé par le colonel Henry et en janvier 1897 il est nommé dans le sud tunisien.
     En octobre 1897, le vice-président du sénat Scheurer-Kestner renseigné par Picquart informe le ministre de la guerre qu’il peut démontrer l’innocence de Dreyfus, ne recevant pas de réponse, il publie une lettre ouverte où il demande une révision du procès.
     Un frère du capitaine Dreyfus , Mathieu Dreyfus accuse le commandant Esterhazy d’être l’auteur du bordereau. Pour faire taire les rumeurs, une enquête est ouverte en novembre 1897. Le général de Pellieux qui est chargé de l’enquête reçoit, la déposition du lieutenant-colonel Picquart.
     Traduit en conseil de guerre, Esterhazy est acquitté en janvier 1898.
     Zola publie sa lettre J’ACCUSE dans l’Aurore. Dans cette lettre il accuse le lieutenant-colonel Paty de Clam d’être l’artisan de l’erreur judiciaire, le général Mercier d’être complice au moins par faiblesse d’esprit, le général Billot complice pour sauver l’état major, et le général de Pellieux pour son enquête scélérate. Il est condamné à 3000 francs d’amende et un an de prison pour diffamation de l’armée, Picquart est mis à la réforme.
     La France est alors partagée en deux camps l’un qui demande la vérité, ligue des droits de l’homme etc.. les Dreyfusards… l’autre qui ne pense qu’à l’honneur de l’armée, le conseil de guerre ne peut se tromper. Bientôt, ces deux clans pourront s’identifier à la gauche (qui depuis 1870 se méfie de l’armée ) pour les Dreyfusards à l’exception des marxistes, les autres à la droite qui depuis 1870 ne rêve que de revanche et qui lutte contre tout ce qui pourrait affaiblir l’armée (ligue des patriotes ….).
     Le 15 janvier 1898 Scheurer-Kestner est écarté de la vice-présidence du Sénat, Méline qui est président du conseil et Billot ministre de la guerre affirment leur solidarité avec l’armée , Picquart est mis aux arrêts et Esterhazy déclaré innocent.

 

- La contestation se fait jour, intervention  de Scheurer-Kestner et de Mathieu Dreyfus.

- Dans son numéro du 15 septembre 1896, le journal l' Eclair publia un historique du procès Dreyfus et raconta que la conviction des membres du conseil de guerre avait été emportée par la communication d'un dossier secret, inconnu de l'accusé et de son avocat. Mme Alfred Dreyfus adressa à la Chambre, en vue de la révision du procès de son mari, une pétition à laquelle il ne fut donné aucune suite.
     Le 18 novembre 1896 la Chambre discuta une interpellation (intervention à la chambre) du député nationaliste Castelin au sujet de la campagne qui paraissait s'ouvrir en faveur de Dreyfus; elle adopta l'ordre du jour suivant, à l'unanimité moins cinq voix :
" La Chambre, unie dans un sentiment patriotique, confiante dans le gouvernement pour rechercher, s'il y a lieu, les responsabilités qui se sont révélées à l'occasion et depuis la condamnation du traître Dreyfus, et en poursuivre la répression... ".

Un an se passe et les polémiques de presse ont depuis longtemps pris fin lorsque le publiciste Bernard Lazare prétend, dans une brochure, établir l'innocence de son coreligionnaire (1897). Dans le même temps, le vice-président du Sénat, Scheurer-Kestner, fait part au ministre de la Guerre de son intention de poursuivre la révision et lui montre des pièces d'où résulte, pour lui, que le bordereau n'est pas de Dreyfus.

Enfin le 15 novembre un frère du condamné, Mathieu Dreyfus, sur le conseil même de Scheurer-Kestner, dénonce comme l'auteur du bordereau, le comte Walsin-Esterhazy, commandant d'infanterie de ligne, alors en non-activité pour infirmités temporaires.

 

Le procès Esterhazy le déclare non coupable.

Chargé d'instruire sur cette dénonciation, le général de Pellieux reçut, la déposition du lieutenant-colonel Picquart, rappelé de Sousse à la demande de Scheurer-Kestner, et qui, alors qu'il était chef du bureau des renseignements au ministère de la Guerre, avait prétendu reconnaître, en examinant le bordereau, l'écriture d'Esterhazy. Le lieutenant-colonel Picquart arriva à Paris le 26 novembre et, le surlendemain, le général de Pellieux fit saisir des lettres attribuées à Esterhazy, qui refusa de se reconnaître l'auteur de la plus grave d'entre elles.

A la Chambre, le 4 décembre, le président du conseil, répondant à Castelin, déclara qu'il n'y avait pas, pour le moment, d'affaire Dreyfus; que l'accusation portée contre un officier n'avait rien à voir avec une autre question et que les citoyens, en attendant le résultat de l'information ouverte, devaient respecter - l'autorité de la chose jugée. Sur intervention du comte de Mun, le général Billot, après avoir fait allusion à ses déclarations précédentes, proclama qu'en son âme, et conscience il considérait le jugement comme bien rendu et Dreyfus comme coupable. La Chambre affirma l'autorité de la chose jugée et s'associa à l'hommage rendu à l'armée par le ministre de la Guerre. Les socialistes, par l'organe de Marcel Sembat et de Millerand. avaient critiqué " l'attitude incertaine prise par le gouvernement ".

Au Sénat, le général Billot, répondant à une interpellation de Scheurer-Kestner sur les déclarations faites par le gouvernement à la Chambre, certifia qu'aucune pièce n'avait été écartée de l'instruction de l'affaire Esterhazy, et affirma de nouveau sa conviction de la culpabilité de Dreyfus. Ses déclarations furent approuvées à l'unanimité de 234 votants (7 décembre).

Le 2 janvier 1898 fut donné l'ordre de renvoyer Esterhazy devant le premier conseil de guerre du gouvernement militaire de Paris, présidé par le général de Luxer. Le 6 le sénateur Trarieux écrivit au général Billot une lettre pour demander une enquête sur un certain nombre de points avant le jugement de l'affaire Esterhazy, et, le 7, le Siècle publia le texte de l'acte d'accusation dressé en 1894 par le commandant d'Ormeschoville.

Les débats s'ouvrirent le 10 janvier 1898. Le rapport du commandant Bavary concluait, à un non-lieu : trois experts en écriture et un expert chimiste déclaraient que le bordereau n'était pas l'œuvre d'Esterhazy. Après lecture de ce rapport, interrogatoire d'Esterhazy et audition de Mathieu Dreyfus, Scheurer-Kestner et six témoins secondaires ( Picquart et Leblois avaient déposé à huis clos) se termina la partie publique des débats. Le lendemain, le huis clos continua pour les dépositions des experts et pour la plaidoirie de Me Tézenas; puis, le jugement fut rendu en séance publique (11 janvier) Le conseil, sur la question :
Le nommé Walsin-Eterhazy (Marie Charles Ferdinand) est-il coupable d'avoir pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec une puissance étrangère on avec ses agents, pour les engager à entreprendre la guerre contre la France ou pour leur en procurer les moyens?

déclara, à l'unanimité, Esterhazy non coupable.
Le lieutenant - colonel Picquart fut mis aux arrêts de forteresse " jusqu'à la décision à intervenir pour son renvoi devant un conseil de guerre ".

L'intervention d'Émile Zola et sa condamnation.

- L'acquittement d'Esterhazy fut le point de départ d'une agitation retentissante. Le romancier Émile Zola, qui avait déjà publiquement prisla défense de Dreyfus dans une Lettre à la jeunesse et dans une Lettre à la France, publia le 13 janvier 1898, dans le journal l'Aurore sous le titre : J'ACCUSE ! une Lettre au président de la République, où, dans un style enflammé il prenait à partie la, juridiction militaire, les généraux Billot, de Boisdeffre, Gonse de Pellieux, les commandants du Paty de Clam et Ravary, les experts, et où il accusait " le ministre de la Guerre d'avoir eu entre les mains les preuves certaines de l'innocence de Dreyfus. et de les avoir étouffées; le premier conseil de guerre, d’avoir violé le droit en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète; le second conseil de guerre, d'avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d'acquitter sciemment un coupable ".

Le 13 janvier, le comte de Mun interpella le gouvernement sur la suite qu'il comptait donner à cette lettre Jaurès intervint et accusa le cabinet de livrer la République aux généraux ; l'ordre du jour Marty et Guérin, ainsi conçu : " La Chambre compte que le gouvernement saura prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la campagne entreprise contre l'honneur de l’armée ", fut voté par 312 voix contre 122.

Dès le 20 janvier, le gérant du journal l'Aurore Perrenx, et Emile Zola comme complice, furent poursuivis en diffamation. La citation du parquet, sur plainte du ministre de la Guerre en date du 18, relevait les trois passages ci-après de l'article J'ACCUSE :
1° Un conseil de guerre vient, par ordre, d'oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c'est fini, la France a sur la joue cette souillure, l'histoire écrira que c'est sous votre présidence qu'un tel crime social a pu être commis.
2° Ils (les juges du commandant Esterhazy), ont rendu une sentence inique, qui à jamais pèsera sur nos conseils de guerre, qui entachera désormais de suspicion tous leurs arrêts. Le premier conseil de guerre a pu être inintelligent, le second est forcément criminel.
3° J'accuse le second conseil de guerre d'avoir couvert cette illégalité par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d'acquitter sciemment un coupable.

Ici se place un incident parlementaire soulevé par Godefroy Cavaignac à propos d'une note de l'agence Havas impliquant l'existence de déclarations recueillies par le capitaine Lebrun-Renaud, chargé de conduire le capitaine Dreyfus à l'École militaire pour la parade d'exécution ( 17, 22, 24 janvier 1898). Dreyfus, protestant d'ailleurs de son innocence sur le fond, aurait fait cette déclaration d' " amorçage " : " Si j'ai livré des documents, c'est qu'ils étaient faux..., c'était pour en avoir de vrais. " Le président du conseil reconnut l'existence des déclarations Lebrun-Renaud.

Le 7 février s'ouvrirent devant la cour d'assises de la Seine, présidée par le conseiller Delegorgue, les débats du procès Zola. L'auteur de la lettre J'Accuse avait pour avocat Me Fernand Labori. L'accusation n'avait fait citer aucun témoin, tandis que la défense avait notifié au parquet environ cent vingt noms. Au début, sur les conclusions de l'avocat général van Cassel, la cour rendit un arrêt limitant la preuve -- en considération de la chose jugée - aux faits visés par la citation et où, au contraire de la défense, elle ne voyait ni connexité ni indivisibilité avec les "accusations" non visées de la lettre d'Émile Zola. Le 23, après quinze audiences, le jury se retira dans la salle des délibérations pour répondre aux deux questions qui lui étaient posées :

1ère question. - Perrenx est-il coupable d'avoir diffamé le premier conseil de guerre à Paris en publiant dans I'Aurore du 13 janvier, journal dont il est le gérant, un article signé Émile Zola, contenant les passages suivants (suivent les citations)?
2ème question. - Zola est-il coupable d'avoir procuré au gérant Perrenx ou à tout autre rédacteur les moyens de commettre cette diffamation ?

Sur les deux questions, la réponse fut à la majorité : Oui. Le verdict était muet sur les circonstances atténuantes " Ce sont des cannibales! ", s'écria de son banc Émile Zola en entendant le public manifester contre lui.

Statuant sur l'application de la peine, la cour condamna Zola au maximum, c'est-à-dire à un an de prison et à 3000 francs d'amende, Perrenx à quatre mois de prison et 3000 francs d'amende.

 

Le 13, à la Chambre, le général Billot, ministre de la Guerre, avait déclare " pour la sixième fois " qu'en son âme et conscience de soldat et de chef de l'armée, il tenait Dreyfus pour coupable de trahison. Le lendemain de la condamnation de Zola, cinq interpellations au sujet de la campagne révisionniste (G.-A. Hubbard, Gauthier de Clagny, Ernest Roche, Beauregard et Castelin) vinrent en discussion : le président du conseil répondit que le gouvernement, dont le rôle. était d'imposer à tous l'apaisement, avait recherché et rechercherait encore les responsabilités encourues. Ceux, dit-il, qui s'obstineraient à continuer la lutte ne pourraient plus arguer de leur bonne foi, nous leur appliquerions toute la sévérité des lois, et, si les armes que nous avons entre les mains ne sont pas suffisantes, nous vous en demanderons d'autres. " L'ordre du jour pur et simple fut adopté par 428 voix contre 54

La principale des mesures disciplinaires prises par le gouvernement fut la mise en réforme du lieutenant-colonel Picquart " pour fautes graves contre la discipline ". Le chimiste Édouard Grimaux, professeur à l'École polytechnique, fut mis à la retraite, et l'avocat Leblois révoqué de ses fonctions d'adjoint au maire du VII, arrondissement. Mme Alfred Dreyfus, qui avait déjà demandé au ministre des colonies l'autorisation de rejoindre son mari à l'île du Diable, fit vers le milieu de mars une nouvelle demande qui fut écartée.

Émile Zola et Perrenx s'étaient pourvus en cassation. L'arrêt de la chambre criminelle cassa sans renvoi l'arrêt de la cour d'assises, ne retenant qu'un seul des moyens invoqués : la poursuite aurait dû être introduite, non par le ministre au nom du conseil de guerre diffamé, mais par le conseil lui-même (12 avril). Celui-ci, réuni le 8 avril, décida de poursuivre Zola et Perrenx devant la juridiction compétente, en l'espèce la cour d'assises de Seine et Oise, et émit le voeu que le ministre de la Guerre adressât une plainte au Grand chancelier, en vue de faire rayer Zola des cadres de la Légion d'honneur; de plus, certains membres du conseil de guerre décidèrent de se porter partie civile.

Zola et Perrenx furent assignés pour le 23 mai. L'assignation visait ce seul passage de J'ACCUSE! :"Un conseil de guerre vient, par ordre, d'oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité , à toute justice. "

La cour était présidée par le premier président Périvier. Le procureur général Bertrand, assistant du procureur de la République du tribunal de Versailles, Tournade, occupait le siège du ministère public; Mes Labori et Albert Clemenceau étaient au banc de la défense; Maîtres Ployer, bâtonnier, Deligand el Las Cases représentaient les membres du conseil de guerre, parties civiles.

Avant l'appel des jurés, Me Labori posa des conclusions d'incompétence, qui furent rejetées : sur quoi, pourvoi en cassation des prévenus et nouvelles conclusions de la défense, tendant à ce qu'il fut donné acte du pourvoi et sursis aux débats de la Cour de cassation. Le 16 Juin, le pourvoi fut rejeté par la chambre criminelle, sur le rapport du conseiller Accarias et les conclusions de l'avocat général Puech.

 

3ème épisode (6 juillet 1898- 9 août 1898)

     Zola et Perrenx sont condamnés à verser 5000 francs de dommages et intérêt à chaque expert en écriture Octave Mirbeau (écrivain) se propose de les payer, Zola préfère la saisie. La vente aux enchères des biens de Zola se limite à une petite table que Fasquelle (éditeur de Zola) achète pour le montant de ses dettes. Le Lieutenant colonel Picquart affirme que les autres documents ne peuvent s’appliquer à Dreyfus et que le troisième est certainement un faux.
     Les personnes qui lui ont fourni les documents qui ont entraînés de sa part une étude du cas Esterhazy sont arrêtées mais elles bénéficieront d’un non lieu.
     Deuxième procès Zola Perrenx en diffamation envers le Conseil de guerre. Ils sont condamnés mais passent à l’étranger.  Mirbeau paie les amendes

Zola et les experts.

- Le 6 juillet 1898 vint devant la 91 chambre correctionnelle, pour y être plaidé au fond, le procès en diffamation intenté par les experts en écritures de l'affaire Esterhazy (Belhomme, Varinard et CoLiard) contre Zola et le journal l'Aurore à raison d'un passage de la lettre J'Accuse ! Le tribunal condamna Zola à quinze jours de prison avec sursis et 2000 francs d'amende, Perrenx à 500 francs d'amende, et les experts obtinrent chacun 5000 francs de dommages et intérêts, en même temps que l'insertion dans dix journaux. Ce jugement ayant été frappé d'appel à la fois par le ministère public, les condamnés et les parties civiles, la cour de Paris, jugeant par défaut, éleva à 1000 francs l'amende prononcée contre Perrenx; en ce qui concernait Zola, elle confirma l'amende et porta à un mois la peine d'emprisonnement, en spécifiant qu'elle serait subie dans les conditions du droit commun; enfin elle accorda 10000 francs à chacun des experts, et l'insertion de l'arrêt dans quarante journaux à leur choix. Octave Mirbeau offrit de payer les 30 000 francs de dommages intérêts alloués aux experts, mais cette offre fut déclinée, et une saisie fut, pratiquée en l'hôtel de Zola. A la vente publique du 11 octobre, le premier objet annoncé, mise à prix de 120 francs, une petite table Louis XIII - fut adjugé sur une seule enchère de Fasquelle, éditeur du romancier, à 32 000 francs, maximum auquel le juge des référés avait, le matin même fixé le montant de la vente.

L'interpellation Castelin.

-- Le 5 juillet, Mme Alfred Dreyfus déposa entre les mains du nouveau garde des sceaux une requête afin d'obtenir l'annulation du jugement de 1894 par application de l'article 441 du Code d'instruction criminelle; le motif invoqué était la communication aux juges de pièces secrètes à l'insu de l'accusé et de son défenseur, en violation de l'article 101 du Code de justice militaire. Le surlendemain, la Chambre discuta l'interpellation déposée par Castelin la veille même du renversement du cabinet Méline. Le député nationaliste interrogea le gouvernement sur les mesures qu'il comptait prendre pour mettre fin à la campagne contre l'armée ", et il le pressa " de faire des déclarations décisives, de rappeler tous les faits qui étaient de nature à donner toute sécurité, toute confiance aux patriotes français ). " J'ai la certitude absolue de la culpabilité de Dreyfus ", répondit le ministre de la Guerre, qui donna lecture de trois pièces qu'il tenait du service des renseignements.

La première, parvenue en mars 1894, était ainsi conçue :

Hier au soir, j'ai fini par faire appeler le médecin qui m'a défendu de sortir; ne pouvant aller chez vous demain, je vous prie de venir chez moi dans la matinée, car D... m'a porté beaucoup de choses très intéressantes, et il faut partager le travail, ayant seulement dix jours de temps,

La seconde portait la date du 16 avril 1894 :

Je regrette bien de ne pas vous avoir vu avant mon départ. Du reste je serai de retour dans huit jours. Ci-joint douze plans directeurs de... (ici figure le nom d'une de nos forteresses), que ce canaille de D... m'a donné pour vous. Je lui ai dit que vous n'aviez pas l'intention de reprendre les relations. Il prétend qu'il y a en un malentendu et qu'il ferait tout son possible pour vous satisfaire. Il dit qu'il s'était entêté et que vous ne lui en voulez pas. Je lui ai répondu qu'il était fou et que je ne croyais pas que vous voudriez reprendre les relations avec lui. Faites ce que vous voudrez.

Dans la troisième, écrite peu après le dépôt de l'interpellation Castelin de 1896, on lisait en toutes lettres le nom de Dreyfus.

J'ai lu qu'un député va interpeller sur Dreyfus. Si... (Ici un membre de phrase que je ne puis lire) je dirai que jamais j'avais des relations avec ce juif. C'est entendu. Si on vous demande dites comme ça, car il faut pas qu'on sache jamais personne ce qui est arrivé avec lui.

Pour Cavaignac (ministre de la guerre) , la culpabilité de Dreyfus, établie par le jugement de 1894 l'était encore par la pièce de 1896 " d'une façon irréfutable ".

Le ministre, passant, ensuite à la, "  scène des aveux ", citait une lettre écrite au général de Boisdeffre, le 6 janvier 1895, par le général Gonse, au sortir d'un entretien auquel il avait assisté, entre le ministre de la Guerre et le capitaine Lebrun-Renaud. A ce dernier, Dreyfus aurait fait des déclarations ainsi résumées dans la lettre du général Gonse

D'une manière générale, écrivait le général Gonse, la conversation du capitaine Lebrun-Renaud avec Dreyfus était surtout un monologue de ce dernier, qui s'est coupé et repris sans cesse. Les points saillants étaient les suivants :

En somme, on n'a pas livré de documents originaux, mais simplement des copies. Le ministre sait que je suis innocent; il me l'a fait dire par le commandant du Paty de Clam dans la prison, il y a trois ou quatre jours, et il sait que si j'ai livré des documents, ce sont des documents sans importance, et que c'était pour en obtenir de sérieux.

Cavaignac lut ensuite une note écrite le 5 janvier, par le capitaine Lebrun-Renaud sur une feuille détachée de son calepin:
      "hier, dégradation du capitaine Dreyfus. Chargé de le conduire de la prison du Cherche-Midi à l'École militaire, je suis resté avec lui de huit à neuf heures. Il était très abattu, m'affirmait que dans trois ans son innocence serait reconnue. Vers huit heures et demie, sans que je l'interroge, il m'a dit : " Le ministre sait bien que si je livrais des documents, ils étaient ,sans valeur et que c'était pour m'en procurer de plus importants. "

Le ministre ajouta que les déclarations du capitaine Lebrun-Renaud avaient été confirmées par lui dans un document écrit et signé.

L'affichage de son discours fut ordonné à l'unanimité de 545 votants et Castelin retira son interpellation.

Me Demange adressa à Mme Dreyfus, à l'appui de la requête en révision que celle-ci avait formée, une lettre où il affirmait de nouveau que la seule pièce produite contre le capitaine était le bordereau et que les pièces lues par Cavaignac à la tribune n'avaient jamais été communiquées à l'accusé ni à son défenseur.

 

Arrestation du lieutenant-colonel Picquart. Poursuites contre le commandant Esterhazy.

- Le 9 juillet, le lieutenant-colonel Picquart écrivait au président du conseil

Je considère comme un devoir de vous faire connaître que je suis en état d'établir, devant toute juridiction compétente, que les deux pièces qui portent la date de 1894 (texte bleu) ne sauraient s'appliquer à Dreyfus, et que celle qui porte la date de 1896 (texte rouge) a tous les caractères d'un faux.

Le 12 juillet, la Chambre renvoya à un mois la discussion d'une interpellation d'Eugène Fournière sur l'authenticité des documents lus par Cavaignac. Ce même jour le conseil des ministres décida "qu'une plainte serait adressée par le ministre de la Guerre au garde des sceaux contre M. Picquart pour avoir communiqué à une autre personne, non qualifiée pour en prendre connaissance, des documents intéressant la sûreté extérieure de l'État, et contre M. Leblois comme complice du même délit ". Le lendemain, le lieutenant-colonel Picquart fut conduit à la prison de la Santé ; il choisit pour défenseur Me Labori.

La veille il avait été procédé à une double arrestation. Le 4 janvier, le lieutenant-colonel Picquart avait déposé une plainte au sujet de dépêches qu'il avait reçues en Tunisie en novembre 1897 : un télégramme signé Blanche tendait à faire croire qu'il était l'auteur du " petit bleu " signé C, dont la reconstitution avait été le point de départ de son enquête sur le commandant Esterhazy. Celui-ci, sur l'initiative du juge Bertulus, fut écroué à la Santé, avec son amie, la demoiselle Pays, sous l'inculpation de faux et d'usage de faux. En outre, il fut bientôt sous le coup d'une plainte en escroquerie déposée par son cousin Christian Esterhazy.

L'instruction contre le lieutenant-colonel Picquart se termina le 25 août 1898 par une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, en vertu des articles 1 et 2 de la loi du 18 avril 1886 sur l'espionnage. La poursuite n'avait pas lieu sur les faits visés par le réquisitoire introductif, mais sur le fait, de la communication à M Leblois, en juin 1897, du dossier secret réuni au bureau des renseignements contre le commandant Esterhazy. Ce dossier avait pour origine le " petit bleu " signé C - et des lettres du général Gonse. Me Leblois était impliqué dans la poursuite pour avoir divulgué au sénateur Scheurer-Kestner tout ou partie des documents secrets qu'il tenait de Picquart.

Le second procès Zola (18 juillet 1898).

- Le lundi 18 juillet revint, devant la cour d'assises de Seine-et-Oise le procès en diffamation intenté à Zola et Perrenx sur la plainte du conseil de guerre.

Sur une demande de Me Labori, tendant, à ce qu'il soit donné acte que Zola et Perrenx vont se pourvoir en cassation, la cour rend un arrêt donnant acte et décidant, conformément aux conclusions du procureur général, qu'il sera passé outre aux débats. Me Labori ayant aussitôt déclaré que les prévenus font défaut, la cour, après qu'ils ont avec leurs défenseurs quitté l'audience , condamne chacun d'eux au maximum de la peine (un an de prison et 3000 francs d'amende) et, pour tous dommages et intérêts, aux dépens demandés par les parties civiles.

Le lendemain, Zola et Perrenx quittèrent la France. Un décret du 25 juillet, rendu conformément à l'avis du conseil de l'ordre de la Légion d'honneur, déclara le romancier suspendu de tous les droits et prérogatives attachés à la croix d'officier.

Le publiciste Francis de Pressensé donna publiquement sa démission de membre de l'ordre ; il consacra au colonel Picquart un livre intitulé Un héros et commença dans toute la France une campagne oratoire en faveur de la révision.

Le 4 août, la Cour de cassation examina le pourvoi Zola et Perrenx. Le conseiller Chambareaud, rapporteur, et l'avocat général Mérillon conclurent au rejet, qui fut prononcé par arrêt du lendemain. Octave Mirbeau paya de ses deniers l'amende de 3000 francs prononcée contre Zola.

Affaires Esterhazy - du Paty de Clam.

- L'instruction ouverte contre Esterhazy s'était compliquée d'une instruction parallèle. Le 25 juillet Me Labori déposa au nom du lieutenant-colonel Picquart partie civile, comme conséquence de la poursuite exercée contre le commandant et Mlle Pays, une plainte en faux et complicité de faux contre le lieutenant-colonel du Paty de Clam. Celui-ci avait dirigé l'enquête réglementaire lors du procès de 1894, et Zola, en sa lettre J'ACCUSE..!, prétendait le retrouver dans l'histoire de la "dame voilée ".

Le procureur de la République concluait à l'incompétence générale du juge d'instruction pour connaître de la plainte contre un officier en activité de service : le juge Bertulus se déclara partiellement incompétent, mais il estima qu'il avait qualité pour poursuivre sur la pièce Speranza, attribuée à Mlle Pays, l'existence d'un inculpé civil dans l'instruction ouverte sur ce dernier faux rendant compétent le juge de droit commun. Sur opposition du ministère public et de la partie civile, la chambre des mises en accusation jugea que Bertulus n'avait pas à connaître de la plainte dirigée contre du Paty de Clam. Le lieutenant-colonel Picquart forma un pourvoi contre cet arrêt (8 août).

Le 9 août, le juge d'instruction rendit, sur la plainte contre Esterhazy et Mlle Pays, une ordonnance renvoyant ceux-ci devant la cour d'assises pour crime de faux et usage de faux; mais la chambre des mises en accusation, conformément aux conclusions du parquet, rendit un arrêt de non-lieu en faveur des deux inculpés, qui le soir même furent mis en liberté. Le lieutenant-colonel Picquart se pourvut également contre cet arrêt.

La Cour de cassation rejeta le pourvoi relatif à l'affaire Esterhazy-Pavs. Elle admit, au contraire, le pourvoi relatif à l'affaire du Paty de Clam, mais elle décida que, l'arrêt, de non-lieu en faveur et du commandant Esterhazy et de Mlle Pays étant définitif, il n'y avait pas à statuer quant à présent contre le lieutenant-colonel du Paty de Clam qui n'était poursuivi que comme complice, ni, dès à ordonner le renvoi de cet officier devant la chambre des mises en accusation.

Après avoir comparu devant un conseil d'enquête, le commandant Esterhazy fut mis en réforme et se retira à Londres.

 

4ème épisode (15 août 1898- 4 octobre 1898)

Le capitaine Cuignet découvre qu’un des documents lu par le ministre de la guerre est un faux (texte rouge) ce qui corrobore les dires de Picquart . Le Lieutenant Colonel Henry avoue en être l’auteur (il avait fabriqué ce faux dans un but patriotique) il est arrêté et se suicide en prison . Le ministre de la guerre Cavaignac démissionne il est remplacé par le général Zurlinden . Brisson , président du conseil est partisan de la révision du procès Dreyfus qui est demandée par la femme de Dreyfus. Zurlinden n’accepte pas qu’on puisse refaire le procès de Dreyfus, il démissionne . Il est remplacé par le général Chanoine

Arrestation et suicide du lieutenant-colonel Henry (août 1898).

Ie ministre de la guerre avait chargé le capitaine Cuignet d'une enquête minutieuse sur toutes les pièces du dossier de l'affaire. Or, dans la soirée du 15 août, le capitaine Cuignet découvrit que la pièce lue à la tribune par Cavaignac et arguée de faux par Picquart n'était pas authentique. Dans l'après-midi du 30, le lieutenant-colonel Henry avoua au ministre qu'il était l'auteur du faux ; il fut conduit au Mont-Valérien et, le lendemain soir, on le trouva dans sa cellule, la gorge ouverte de deux coups de rasoir. Le général de Boisdeffre, chef d'état-major général, fut, sur sa demande, relevé de ses fonctions et remplacé par le général Benouard, puis par le général Brault.

Dans la journée du 3 septembre, le président du conseil (Brisson) dit à Cavaignac que, selon lui, après l'affichage du discours et la découverte du faux Henry, " la plus haute autorité judiciaire pouvait seule faire la lumière, établir la vérité, dire la justice " : à neuf heures du soir, le ministre de la guerre envoya sa démission et exprima le désir qu'elle fût immédiatement publiée. " Il existe entre nous, écrivait-il au président du conseil, un désaccord qui, en se prolongeant, paralyserait le gouvernement au moment où il a le plus besoin de sa décision. Je demeure convaincu de la culpabilité de Dreyfus et aussi résolu que précédemment à combattre la révision du procès ".

La demande en révision.

- Le jour où Cavaignac se sépara de ses collègues, Mme Alfred Dreyfus adressa au garde des sceaux, comme conséquence de la découverte du faux Henry, une nouvelle requête, afin d'obtenir non plus l'annulation, mais la révision du procès; elle alléguait que l'expertise du bordereau, faite au procès de 1898, n'avait pas abouti aux mêmes conclusions que l'expertise de 1894, et que l'un des principaux témoins à charge du premier procès avait, de son propre aveu, fabriqué lui-même une pièce que le ministre de la Guerre avait présentée comme une preuve décisive de culpabilité. Au conseil de cabinet du 5 septembre, le garde des sceaux Sarrien annonça à ses collègues qu'il avait demandé communication du procès-verbal des aveux du lieutenant-colonel Henry ainsi que du dossier judiciaire de l'affaire Dreyfus et, le 6, le conseil des ministres décida d'accueillir en principe la demande en révision.

Au conseil du 12, le général Zurlinden, qui avait remplacé Cavaignac au ministère de la guerre, fit signer un décret mettant le lieutenant-colonel du Paty de Clam en non-activité par retrait d'emploi, et la discussion s'engagea ensuite sur la révision : le général Zurlinden déclara qu'il se retirerait si la procédure était engagée, à quoi Brisson répliqua que, si elle ne l'était pas, il ne resterait pas aux affaires. La délibération, poursuivie jusqu'à midi, fut reprise après déjeuner; mais, à la demande de Sarrien, elle fut ajournée au 17, parce que le président de la République devait assister aux grandes manœuvres. Dans l’intervalle le ministre de la Guerre avait demandé au ministre de la justice, qui, la lui refusa, l'autorisation de poursuivre en faux le colonel Picquart, à propos du " petit bleu ".

Au conseil du 17, Brisson et le général Zurlinden maintinrent leurs positions, et le ministre des travaux publics, Tillaye, soutint que la révision n'était pas possible en droit. La majorité du conseil fut néanmoins d'avis que la commission consultative de révision devait être saisie, et le soir même les deux ministres opposants, démissionnaires, étaient remplacés par le général Chanoine et le sénateur Godin. Le général Zurlinden basait sa conviction de la culpabilité de Dreyfus sur les expertises relatives au bordereau et sur la " scène des aveux ".

Le 21 septembre, la 8e chambre correctionnelle, appelée à statuer sur la poursuite en espionnage dirigée par le ministre de la Guerre contre le lieutenant-colonel Picquart, détenu préventivement, " renvoya au premier jour ", parce que l'introduction de la demande en révision et l'information ouverte contre Picquart à propos du " petit bleu " étaient de nature à influer sur l'appréciation des faits. Picquart fut transféré à la prison militaire du Cherche-Midi.

L'avis de la commission de révision fut négatif, à raison du partage égal des voix : au conseil de cabinet du 26 septembre, il fut néanmoins décidé que le garde des sceaux transmettrait la demande à la Cour de cassation.

Le 19 avait paru un manifeste du duc d'Orléans " qui ne permettrait pas qu'on s'attaquât à l’armée "  ; le 25, Paul Déroulède reconstitua la Ligue des patriotes; le 26, c'est-à-dire le jour où le conseil décida de saisir la Cour de cassation, les députés royalistes et nationalistes adoptèrent un ordre du jour, dont les signataires, au nom de cent trente de leurs collègues, priaient le président de la République de convoquer immédiatement le Parlement : cet ordre du jour fut transmis à l'Élysée, les lois constitutionnelles ne permettant pas au président de la République de recevoir les délégués d'un groupe parlementaire. Le 27 le dossier de l'affaire Dreyfus fut porté chez le procureur général Manau qui, le 4 octobre, prit ses réquisitions écrites, et la Cour de cassation se trouva irrévocablement saisie. Le président Loew désigna comme rapporteur le conseiller Bard.

Me Mornard, constitué par Mme Dreyfus pour la défense des intérêts de son mari, qui était en état d'interdiction légale, fut bientôt autorisé à prendre communication du dossier.

5ème épisode ( 27 octobre 1898 - 11 février 1899 )

Les débats sur la demande de révision débutent le 27 octobre 1898. Les différentes instance se renvoient la décision de revenir sur la chose jugée et qui plus est " par les militaires " finalement la cour de cassation casse le procès de Dreyfus et le renvoi devant le conseil de guerre de Rennes . Les débats commencent le 7 août 1899.

 

La révision.

- Les débats sur la demande en révision du procès Dreyfus s'étaient ouverts le 27 octobre 1898.

Aux termes de l'article 443, § 4, du Code d'instruction criminelle, modifié par la loi du 11 juin 1895, la révision pourra être demandée lorsque après une condamnation, "un fait viendra à se produire ou à se révéler, ou lorsque des pièces inconnues lors des débats seront représentées, de nature à établir l'innocence du condamné ". Ce texte n'exige pas que le " fait nouveau " constitue une preuve péremptoire de l'innocence : il suffit qu'il soit assez sérieux pour pouvoir former le point de départ d'une recherche de l'innocence.

Le réquisitoire introductif débutait par la lettre du ministre de la Justice visant les deux " faits nouveaux " invoqués par Mme Dreyfus : divergence des expertises en écriture et faux Henry. Le conseiller Bard, rapporteur, conclut à la révision. Il faut, dit-il, que la lumière soit faite, qu'elle soit éclatante pour tous les hommes de bonne foi; mais il importe que l'acquittement, s'il doit intervenir, ne résulte ni de l'incertitude des expertises, ni des lacunes de l'instruction, et d'ailleurs, a joutait-il, réviser sans une enquête préalable, ce n'est pas avoir suffisamment égard aux scrupules et à la longue résistance de l'autorité militaire.

Après que, Me Mornard eut donné lecture de très longues conclusions, le procureur général Manau prononça son réquisitoire. Ni lui ni la Cour, dit-il en substance, n'ont aujourd'hui à formuler d'opinion sur la culpabilité ou l'innocence du condamné; mais les deux " faits nouveaux " invoqués sont légalement de nature à établir l'innocence. Puis il rappela les protestations de Dreyfus dont il lut plusieurs lettres, et il continua :

Qu'il vienne se défendre ! Qu'il vienne se justifier, s'il le peut, et qu'alors cet honneur, pour lequel il a voulu avoir la force de vivre, lui soit rendu ! Et qu'il retrouve dans l'affection dévouée de sa noble compagne, de ses enfants adorés et de tous les siens, l'oubli des jours cruels.

Mais s'il ne se justifie pas, s'il est coupable, que son nom soit deux fois maudit! Car non seulement il aura commis l'abominable crime de trahison, mais encore il serait responsable du trouble qui agite depuis si longtemps les esprits et qui a compromis, de la façon la plus grave, la tranquillité de la France.

Dreyfus proteste d'avance contre cette éventualité d'une nouvelle condamnation. Il proclame son innocence, il vous demande justice.

Le procureur général concluait au renvoi devant un autre conseil de guerre, subsidiairement à un supplément d'information et, dans l'un et l'autre cas, à la suspension de la peine.

Dans sa plaidoirie, Me Mornard s'attacha à exposer que l'unique base du jugement de 1894, le bordereau, se trouvait ruinée par les quatre groupes de faits indiqués dans ses conclusions: communication de pièces secrètes, foi due au témoignage du colonel Henry, expertises extra-judiciaires de 1897 (d'où il concluait, avec les révisionnistes, que l'écriture du bordereau, décalquée ou non, ne pouvait être attribuée à Dreyfus), illégalités commises à l'instruction Esterhazy.

Après trois heures de délibéré, la Cour rendit le 29 octobre un arrèt dont voici le dispositif:

La Cour déclare la demande recevable en la forme.
Dit qu'il sera procédé par elle à une instruction supplémentaire .
Dit n'y avoir lieu de statuer, quant à présent, sur la demande de M. le procureur général, tendant à la suspension de la peine.
La chambre criminelle commença le 8 novembre son enquête orale. Les premiers témoins entendus furent les cinq anciens ministres de la Guerre : les Généraux Mercier et Billot, Godefroy Cavaignac, les généraux Zurlinden et Chanoine.

Le 21 novembre, la Chambre votait un projet d'amnistie portant en particulier sur les condamnations pour délits de presse, à l’exception des condamnations pour injure ou diffamation envers les armées de terre et de mer, les tribunaux, les officiers pris individuellement ou en corps.

Affaire Picquart.

- Le 23 novembre fut signé l’ordre de mise en jugement du lieutenant-colonel Picquart devant le conseil de guerre du gouvernement militaire de Paris, sous l'inculpation de faux en écriture privée et usage de faux à propos du "   petit bleu " et de divulgation de documents intéressant la défense du territoire ou la sûreté extérieure de I'état. Son défenseur avait été admis à communiquer avec lui le 19 novembre. Interrompue lors de l'intervention de la Cour suprême, la campagne de presse et de réunions publiques menées par les partisans de la révision fut reprise en faveur du lieutenant -colonel Picquart. Des professeurs, des membres de l'institut, des avocats, Duclaux, Analole France, Paul Reclus, Arthur Giry, Ernest Havet, Gabriel Monod, Ferdinand Buisson, etc., s'y associèrent.

Les quatre groupes républicains du Sénat décidèrent qu’une délégation irait demander an gouvernement qu'il fût sursis à la réunion du conseil de guerre jusqu'à la fin de l’enquête ouverte par la Cour de cassation. A la Chambre, le 28 novembre, Charles Bos développa une interpellation sur le même sujet, et Raymond Poincaré, ministre en 1894, lit à la tribune d'importantes déclarations .

Comme mon ami M Barthou, comme mon ami M Leygues, comme mon ami M Delcassé, je n'ai, dit-il, connu l'arrestation du capitaine Dreyfus que par un article de journal, quinze jours après...Je dis que nous n'avons jamais entendu parler d'aucune autre charge précise contre le capitaine Dreyfus que le bordereau qui lui était attribué. Je dis que jamais, en 1891, nous n'avons eu connaissance d'aucun dossier diplomatique ou secret. Je dis qu'en 1894 aucun de nous, ni le président du conseil, ni aucun de ses collègues, n'a entendu parler des aveux faits par le condamné au capitaine Lebrun-Renaud.

Je vois bien qu'en rompant aujourd'hui un silence qui me pesait, je m'expose à des attaques, à des injures, à des calomnies. Je ne m'en soucie pas: je suis heureux d'avoir saisi à cette tribune, l'occasion, trop longtemps attendue, de libérer ma conscience.

Le ministre de la Guerre et le président du conseil se déclarèrent opposés à l’ordre de surseoir, qui engagerait le gouvernement " dans l'engrenage de l'intervention et de l'arbitraire ". La Chambre, par 437 voix contre 73, approuva ces déclarations an nom du principe de la séparation des pouvoirs.

La demande en règlement de juges, formée parle lieutenant-colonel Picquart sur les instances de son défenseur, avait été introduite devant la Cour de cassation par requête du 2 décembre, visant la connexité soutenue entre les diverses communications de documents poursuivies par l'une ou l'autre juridiction. Une requête additionnelle du 3 décembre visait la connexité d'identité d'objet de tous les faits reprochés au lieutenant-colonel Picquart. Le 8 décembre, sur rapport du conseiller Atthalin, la chambre criminelle, se fondant sur ce qu'elle ne possédait pas d'éléments suffisants pour statuer en pleine connaissance de cause, ordonna que communication lui serait faite dés deux procédures dans les quinze jours de la notification de l’arrêt, avec avis motivé des autorités judiciaires sur le conflit; la notification de l'arrêt à qui de droit emporterait sursis au jugement des deux procès. En conséquence, la réunion du conseil de guerre n'eut pas lieu.

 

Affaire Joseph Reinach - Henry.

- Au mois de juin 1898, Joseph Reinach avait été révoqué de son grade de capitaine de cavalerie de l'armée territoriale, à raison d'un article publié par lui dans le Siècle du 4 juin et que le ministre de la Guerre avait considéré comme injurieux pour l'armée. A la fin de novembre et au début de décembre, il écrivit dans le même journal des articles où il rendait le lieutenant-colonel Henry responsable, de complicité avec Esterhazy, de la trahison reprochée à Dreyfus. Mme Henry, dans une lettre émue, mit son fils sous la protection du bâtonnier de l’ordre des avocats et, le 3, la Libre Parole ouvrit, pour couvrir les frais du procès futur, une souscription qui produisit 131 110 fr 15. Le 13 janvier, Joseph Reinach et le gérant du Siècle furent assignes devant la cour d'assises pour diffamation " contre le colonel Henry dans les termes et conditions prévus et punis par l'article 34 de la loi du 29 juillet 1881 ". L'affaire vint le 27 janvier devant les assises de la Seine. Me Labori prit d'abord des conclusions tendant au sursis jusqu'après l'arrêt de la Cour de cassation dans l'affaire Dreyfus, et subsidiairement au sursis obligatoire par application analogique clé l'article 35, § 4, de la loi de 1881. La cour ordonna qu'il serait passé outre aux débats; mais, les prévenus s'étant aussitôt pourvus en cassation, la cour rendit un nouvel arrêt par lequel, donnant gain de cause à Me Labori contre Me Saint-Auban, avocat de Mme Henry, elle jugeait que le pourvoi était suspensif.

 

Enquête de la Chambre criminelle.

- Le 29 décembre 1898, la Cour de cassation commença à prendre communication du dossier secret, distinct du dossier judiciaire, et qui lui était apporté, à chaque audience par le général Chanoine ou le capitaine Cuignet, chargés de lui donner les explications utiles.

Après la question de la communication du dossier secret ou dossier du ministère de la Guerre, se posa celle de la communication du " dossier ultra-secret " ou dossier diplomatique : le 9 janvier, après avoir entendu un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, Maurice Paléologue, la Cour réclama et obtint qu'on mit sous ses yeux les pièces à l'appui de la déposition.

Dès la fin de 1897 il avait été question d'une lettre de Dreyfus à l'empereur d'Allemagne, et d'une lettre de Guillaume Il relative à Dreyfus, adressée à l'ambassadeur d'Allemagne à Paris (intransigeant du 13 décembre 1898). En réponse à une interpellation du député Breton (20 janvier 1899), le ministre des Affaires étrangères déclara que, parmi les pièces qu'il avait " plu à quelques-uns d’appeler le dossier ultra -secret ou le dossier diplomatique il n'y avait point de lettres écrites par le condamné à un souverain étranger, et qu'il n'y en avait jamais eu, à la connaissance des agents en service au ministère depuis plus de dix ans; qu'on ne pouvait pas croire à l’authenticité de lettres écrites au condamné par ce souverain; qu'on ignorait absolument au ministère si des documents de ce genre avaient été fabriqués, mais que le faussaire s'était bien gardé de les apporter au quai d'Orsay " car si grande qu'on puisse supposer la naïveté des diplomates", elle n'irait pas jusqu'à accepter ou apprécier pareille marchandise. - Le député socialiste ayant reproché à Méline de n'avoir pas fait la révision, celui-ci déclara qu'il n'avait pas eu connaissance du faux commis par Henry et ajouta : "Je me félicite de ne pas l'avoir faite, parce que, si je l'avais faite, j'aurais manqué au premier de mes devoirs, qui était de respecter la loi. Jamais on ne m'a apporté le fait nouveau - j'avais donc raison de dire qu'il n'y avait pas d'affaire Dreyfus. "

Le 18 janvier 1899, le commandant Esterhazy, ayant reçu l'assurance qu'il ne serait pas inquiété, vint déposer devant la chambre criminelle. Le 30, il fut officiellement averti que l'instruction dirigée contre lui sur la plainte de Christian Esterhazy allait reprendre son cours dans les vingt-quatre heures, et il quitta aussitôt la France

L’enquête de la chambre criminelle étant officiellement close le 11 février, le 13, les pièces furent transmises au procureur général.

 

L'incident Quesnay de Beaurepaire. La loi de dessaisissement à la Chambre.

- Les magistrats de la Chambre criminelle, en particulier le président Loew, étaient, depuis le début de l'enquête, pris à partie, par les adversaires de Dreyfus. A la lin de décembre 1898, une grave imputation, se rapportant à l'enquête en cours, fut publiée dans la presse, et cette imputation, ainsi que les articulations contenues dans une déposition écrite de Quesnay de Beaurepaire, président de la chambre civile (28 décembre), furent tenues pour mal fondées, après deux enquêtes successives, par le premier président Mazeau. Quesnay de Beaurepaire demanda aussitôt qu'il fût, procédé là une troisième enquête, puis il donna sa démission (8 janvier 1899 , et sa déposition du 28 décembre fut publiée le 10, dans l'Écho de Paris, où il produisit, le 12, de nouvelles articulations.

La troisième enquête, ouverte par le premier président Mazeau des conseillers Dareste et Voisin, porta principalement sur les allégations de l'article de l'Echo de Paris du 12 janvier et d'un article de l'Éclair du 21. En transmettant le dossier au garde des sceaux. le premier président et les deux conseillers disaient au ministre :

Il serait sage. dans les circonstances que traverse le pays, de ne pas laisser à la chambre criminelle seule la responsabilité, de la sentence définitive. Depuis trois mois, en effet, nos collègues poursuivent une instruction laborieuse au milieu d'un déchaînement inouï de passions opposées qui ont pénétré jusque dans le prétoire. N'est-il pas à prévoir qu'un arrêt rendu dans de telles conditions serait impuissant à produire l'apaisement dans les esprits et manquerait de l'autorité nécessaire pour que tout le monde apaise devant lui?

Nous ne suspectons ni la bonne foi ni l'honorabilité des magistrats de la chambre criminelle : mais nous craignons que, troublés par les insultes et les outrages et entraînés pour la plupart dans des courants contraires par des préventions qui les dominent à leur insu, ils n'aient plus, après l'instruction terminée le calme et la liberté morale indispensables pour faire l’office de juges.

Le 30 janvier. le garde des sceaux développa à la tribune de la Chambre les motifs d’un projet tendant à soumettre aux chambres réunies de la Cour suprême le jugement sur le fond des pourvois en révision, lorsque ce jugement ne pourrait avoir lieu de plano ,sur le vu du dossier, sans supplément d'instruction.

Ce projet fut accueilli avec satisfaction par les adversaires de la révision mais les révisionnistes reprochèrent au gouvernement, de suspecter à tort l'impartialité de la chambre criminelle et de paraître donner un gage à la droite. La commission compétente rejeta le projet par 9 voix contre 2 et Millerand le combattit en séance publique, parce que, dit-il, " loin de servir la cause de l’apaisement. il avait pour, lui tous ceux qui, dans ce coup d'État judiciaire saluaient l'espoir d'autres coups de forces : lorsque, dans une crise aussi aiguë, on voit d'un côté tous les ennemis de la République, ce fait seul dicte leur devoir aux républicains ".

La décision à intervenir, répliqua le président du conseil, doit donner pleine confiance à la conscience nationale. Il faut un arrêt . "  qui en finisse absolument avec cette affaire et qui ne soulève contre lui que deux sortes de colères ou de passions : celle des fous et celle des révoltés ".

Le projet fut adopté, le 10 février 1899 par 326 voix contre 206. La majorité. composée des éléments les plus divers, comprenait 166 progressistes, 45 radicaux, 2 socialistes, 30 nationalistes ou antisémites 31 ralliés et 52 membres de la droite. La minorité était formée de 34 progressistes, 128 radicaux et 44 socialistes.

Une scission se produisait donc dans le parti républicain progressiste, et Decrais. Jonnart, Louis Barthou, Raymond Poincaré, Léon Bourgeois, Brisson, Sarrien, Camille Pelletan, Viviani, etc., publièrent un manifeste de protestation. On lisait, dans ce document :

Faire une loi d'occasion pour enlever à une cour ou à un tribunal un procès pendant, c'est introduire l'arbitraire dans le jugement des questions qui intéressent la liberté, l'honneur ou la vie dés citoyens. C’est faire juger les juges par la politique. C’est créer un précédent funeste, dont les partis pourraient tôt ou tard se prévaloir pour assouvir leurs passions ou satisfaire leurs rancunes.

6ème épisode ( 7 août 1899 - 21 septembre 1899 )

Les débats sur la demande de révision débutent le 27 octobre 1898. Les différentes instances se renvoient la décision de revenir sur la chose jugée et qui plus est " par les militaires " finalement la cour de cassation casse le procès de Dreyfus et le renvoi devant le conseil de guerre de Rennes . Les débats commencent le 7 août 1899. En septembre il est à nouveau déclaré coupable mais avec circonstances atténuantes. Le 19 septembre Dreyfus est gracié.

- Le procès de Rennes.

- Dreyfus, qu'on avait informé de la cassation du jugement de I894, quitta la Guyane à bord du Sfax le l0 juin, débarqua près de Quiberon le 1er juillet vers une heure du matin, et fut conduit le jour même à la prison militaire de Rennes où il reçut la visite de Mme Dreyfus. L'ordre de mise en jugement devant le conseil de guerre de Rennes avait été signé le 23 juillet. Le commissaire du gouvernement fit citer 70 témoins; la défense, 19; d'autres témoins furent cités d'office.

Les débats s'ouvrirent le 7 août 1899, dans la salle des fêtes du lycée de Rennes, et comportèrent, du 7 août au 9 septembre inclusivement, vingt-neuf séances du matin, plus, le dernier jour, une séance supplémentaire de l'après-midi.

Le conseil était présidé par le colonel Jouaust, directeur du service du génie à Rennes. L'accusation était soutenue par le commandant Carrière; Maîtres Demange et Labori étaient au banc de la défense. Scheurer-Kestner, atteint de la maladie dont il mourut le 19 septembre suivant, ne put se rendre à Rennes; le lieutenant-colonel du Paty de Clam, malade, fut interrogé à Paris sur commission rogatoire; le commandant Esterhazy, cité à Londres par voie diplomatique, avec sauf-conduit, répondit, le 6 août, par une lettre au commandant Carrière.

A la fin de la première audience, après l'interrogatoire de Dreyfus, le conseil, à la majorité de 5 voix contre 2 et conformément aux conclusions du commissaire du gouvernement, ordonna le huis clos pour l'examen des dossiers secrets présentés par le général Chanoine au nom du ministère de la Guerre, par Maurice Paléologue, ministre plénipotentiaire, au nom du ministère des Affaires étrangères.

Le lundi 14 août, au matin, M, Labori, se rendant à l'audience, fut blessé dans le dos d'un coup de revolver et ne put reprendre sa place auprès de Me Demange que le 24 août. Son agresseur réussit à prendre la fuite.

Au nombre des dépositions marquantes, il faut citer celle de Casimir-Perier, celle du général Mercier - qui se termina sur une scène dramatique entre le témoin et l’accusé, Dreyfus adjurant le général de le reconnaître innocent, le général affirmant n'avoir jamais douté de la culpabilité du capitaine (12-14 août); - la déposition du général Roget (16-17 août), également convaincu de la culpabilité; - celle du lieutenant-colonel Picquart (18 août); - une

Déposition - plaidoirie de Trarieux favorable à Dreyfus (5 septembre). L'ancien président de la République fut confronté avec le général Mercier au sujet : 1° du degré d'importance que le général avait attaché, à l'origine, aux documents du bordereau; 2° de la présence du capitaine Lebrun-Renaud à l'Élysée le 6janvier 1895; 3° des conférences de Casimir-Perier avec l'ambassadeur d'Allemagne, comte De Münster, en décembre 1891 et janvier 1895, et de la date de la " nuit historique " (12 décembre 1891 ou 6 janvier 1895), pendant laquelle la situation diplomatique parut particulièrement grave.

La Cour suprême avait définitivement jugé plusieurs points essentiels :
1° la communication de la pièce secrète " Ce canaille de D.... " ;
2° l’attribution à Esterhazy des deux lettres sur papier pelure;
3° les propos tenus au capitaine Lebrun-Renaud, auxquels eIle n'avait pas reconnu le caractère d'aveux.

Le conseil de guerre de Rennes avait, par contre, à attribuer le bordereau. La Cour de cassation, en présumant que Dreyfus n'en était point l’auteur, laissait au conseil le soin de trancher la question. Il ne fut pas dressé de nouvel acte d’accusation et l'on se borna à reprendre le rapport Ormescheville.

Dans sa déposition du 12 août, le général Mercier fit lire l'extrait suivant d'une lettre du colonel Schneider, attaché militaire autrichien à Paris, datée du 30 novembre 1897 :

On avait déjà émis bien des fois pareille supposition que le traître est autre que Dreyfus, et je ne serais pas revenu là-dessus si, depuis un an, je n’avais appris par des tierces personnes que les attachés militaires allemand et italien auraient soutenu la même thèse dans les salons à droite et à gauche.
Je m'en tiens toujours et encore aux affirmations publiées dans le temps au sujet de l’affaire Dreyfus. Je continue à les considérer comme justes et à estimer que Dreyfus a été en relation avec les bureaux confidentiels allemands de Strasbourg et Bruxelles, que le grand état-major allemand cache avec un soin jaloux, même à ses nationaux.

 

Par dépêche adressée d'Ems au Figaro, le 17 août, le colonel Schneider déclara que la lettre du 30 novembre était un faux; dans un communiqué officieux de l'ambassade d'Autriche-Hongrie, le démenti porta seulement sur la date. Le général Mercier expliqua ensuite que, n'ayant pas une confiance suffisante dans le huis clos, il avait fait remettre au colonel Maurel, avec l' " ordre moral " de le communiquer aux juges, un pli contenant, avec un commentaire établi par le colonel Sandherr, diverses pièces secrètes, parce qu'il estimait indispensable de ne pas les laisser " dans l'ignorance des charges qui pesaient sur Dreyfus " Cette déposition fut suivie d'une scène émouvante entre le colonel Maurel, qui avait présidé le conseil de 1894, et le capitaine Freystaetter, qui en faisait partie : le premier déclarait avoir lu une seule pièce du dossier, le conseil étant d'ores et déjà pleinement édifié; le second affirmait que les pièces du dossier secret et la déposition Henry avaient contribué à former sa conviction de la culpabilité de Dreyfus.

Devant le conseil de Rennes, il fut aussi question de la " scène des aveux ", que la Cour de cassation avait définitivement écartée. Le capitaine Lebrun-Renaud rapporta ainsi les paroles de Dreyfus :

" Je suis innocent; dans trois ans on reconnaîtra mon innocence. Le ministre le sait. Il me l'a fait dire, il y a quelques jours, dans ma cellule, par le commandant du Paty de Clam. Et il sait que si j’ai livré des documents à l'Allemagne, ils étaient sans importance et que c'était pour m’en procurer de plus sérieux, de plus importants "

- A Rennes, Dreyfus déclara que les paroles qu'on lui prêtait touchant la livraison de documents à l'Allemagne n’étaient que la reproduction d'une question du lieutenant-colonel du Paty de Clam : en disant que le ministre le savait innocent, il entendait parler de la réponse, négative qu'il avait faite au lieutenant -colonel aussi bien que de la lettre qu'il avait écrite au général Mercier.

Les arguments nouveaux produits par les généraux Mercier et Roget, ainsi que par le commandant Cuignet, témoins de l'accusation, portèrent sur la discussion technique du bordereau - leur raisonnement fut contesté par les témoins de la défense : le général Sébert et le commandant Hartmann; - sur la composition du dossier secret; sur les

conclusions de Bertillon, qui avait examiné le bordereau à la lumière d'une méthode graphique de mensurations et de superpositions dont il était l'inventeur et d'après laquelle Dreyfus aurait fabriqué l'écriture du bordereau à l'imitation de la sienne propre.

En outre, le général Mercier soutint, en s'appuyant sur la pièce du dossier secret dite Chemins de fer, écrite par Panizzardi et datée d'avril 1894, que Dreyfus avait livré l’organisation des chemins de fer. Il prétendit, en faisant état des deux pièces Ce canaille de D et D… choses intéressantes, que Dreyfus avait communiqué des plans directeurs de forteresse. Enfin, d'accord avec le généraI Gonse. Il avança que Dreyfus avait trahi le secret de l'obus à la mélinite puisqu'il était à l'école de pyrotechnie en 1890, lorsque fut commis l’acte de trahison; que la copie livrée était écrite sur du papier pelure analogue à celui du bordereau et que Dreyfus avait tenté de se faire renseigner à Bourges, par le capitaine de Rémusat, sur l'obus Robin, dont le secret, d'après le général Mercier  avait dû être livré, puisque, disait-il, le shrapnell allemand n’en était que la copie. Le commandant Cuignet affirma que Dreyfus avait livré une partie de ses cours de l'École de Guerre, retrouvés chez lui incomplets, dans la partie précisément qu'on savait avoir été vendue.

Enfin, les généraux Roget et Mercier déposèrent que Dreyfus avait également livré l’organisation de la répartition de l'artillerie lourde, la minute d'une note faite par lui au 1er bureau ayant disparu.

Le conseil entendit ensuite un certain nombre de témoignages d'office. Le 4 septembre un ancien officier de cavalerie dans l'armée austro-hongroise. Cernucky, prétendit avoir appris en 1894, tant d'un chef de section au ministère des affaires étrangères d'un État de l'Europe centrale que d'un officier supérieur du grand état-major d'une autre puissance, que Dreyfus était un informateur aux gages de divers gouvernements étrangers ; mais il refusa comme le lui demandait la défense, de préciser la nationalité des personnages dont il avait reçu les confidences. Le lendemain, 5 septembre, Me Labori déposa des conclusions tendant à ce qu'on demandât, par la voie diplomatique aux puissances intéressées la remise des documents énumérés au bordereau et fit citer comme témoins Schwarzkoppen et Panizzardi.

Le représentant du ministère des Affaires étrangères, Paléologue objecta que " des raisons de l'ordre le plus élevé " s'opposaient à la demande de communication et le conseil rejeta les conclusionsde la défense, " considérant qu'il n'était pas compétent pour provoquer par voie de jugement, auprès du gouvernement, des démarches nécessitant une action diplomatique ". Le 7, Me Labori déposa de nouvelles conclusions tendant à ce que les deux officiers étrangers fussent entendus par voie de commission rogatoire (et le ministère public ne s'y opposa pas), mais elles furent rejetées par le conseil, qui invoqua le pouvoir discrétionnaire du président touchant l'audition de nouveaux témoins. L'audience se termina par le réquisitoire du commandant Carrière, commissaire du gouvernement. qui, après un bref historique, procéda à un examen technique du bordereau et à une revue rapide du dossier secret. Il déclara qu'il avait abordé l'étude de l'affaire, libre de toute opinion; qu'au début, avec le lieutenant-colonel Picquart, il avait eu un moment l'espoir d'arriver à démontrer l'innocence de Dreyfus, mais que sa conviction s'était peu à peu modifiée, et il termina en demandant l'application de l'article 76 du Code pénal.

Les 8 et 9 septembre, Me Demange présenta la défense de Dreyfus. Son argumentation porta sur la question des aveux, sur le dossier secret. sur les faits de moralité, puis sur la valeur technique et matérielle du bordereau. Il fit ensuite un rapide parallèle entre Dreyfus et Esterhazy, s'attacha à réfuter les imputations de trahison concernant l'obus Robin, le chargement des obus à mélinite, etc..

La veille du jour où fut rendu le verdict, le Moniteur de l'Empire publia dans sa partie officielle une note par laquelle il se disait autorisé à affirmer de nouveau que le comte de Münster avait, en décembre 1894 et en janvier 1895, donné au ministre des Affaires étrangères, au président du conseil et au président de la République l'assurance que l'ambassade allemande en France n'avait jamais entretenu de rapports, ni directs ni indirects, avec le capitaine Dreyfus , puis qu'au témoignage du comte de Bülow, (24 janvier 1898) , il n'avait jamais existé de relations, de quelque nature qu'elles fussent, entre Dreyfus et un organe allemand quelconque.

Dans la séance de l'après-midi du 9, répliques du commandant Carrière. puis de M, Démange, et, après une dernière affirmation par Dreyfus de son innocence, clôture des débats.

Le président posa la question suivante :

Dreyfus, Alfred , capitaine breveté au 14ème régiment d'artillerie, stagiaire à l’état-major. est-il coupable d'avoir, en 1894, provoqué des machinations ou entretenu des intelligences avec une puissance étrangère ou un de ses agents. pour l’engager a commettre des hostilités on entreprendre la guerre contre la France ou pour lui en procurer les moyens, en lui livrant les notes et documents énumérés dans le bordereau et mentionnés dans l'arrêt de la cour de cassation à la date du 3 juin 1899 ?

Le conseil, après une délibération de près de deux heures, déclara, à la majorité de cinq voix contre deux, que l'accusé était coupable, à la majorité, qu'il y avait des circonstances atténuantes.

A la même majorité de cinq voix contre deux, le conseil condamna Dreyfus a la peine de dix ans de détention et à la dégradation militaire: il fixa au minimum la durée de la contrainte par corps.

Dreyfus gracié.

- Le jugement du conseil de guerre eut un retentissement considérable, non seulement en France, où les révisionnistes affirmèrent leur " intention de poursuivre la réparation à laquelle Dreyfus avait droit ", mais encore à l'étranger, où se produisirent en faveur de Dreyfus des manifestations dont quelques-unes revêtirent un caractère inattendu de vivacité et même de violence.

Cependant, le conseil des ministres décidait de faire remise à Dreyfus du reste de sa peine privative de liberté, ainsi que de la dégradation militaire. Dans le rapport, précédant le décret du 19 septembre le ministre de la Guerre rappelait que Dreyfus s'était désisté du recours qu'il avait tout d'abord formé devant le conseil de révision; que le gouvernement, à qui il appartenait d'assurer le respect de la chose jugée, devait aussi "se préoccuper de ce que conseillent la clémence et l'intérêt public ", et qu'il répondrait mal au voeu du pays, "  avide de pacification, s'il ne s'efforçait pas d'effacer toutes les traces d'un douloureux conflit ".

Le lendemain de la publication du décret de grâce, le 21 septembre 1899,  le général de Galliffet adressa à l'armée l'ordre général suivant, dont lecture fut donnée à toutes les compagnies, batteries et escadrons :

L'incident est clos.
Les juges militaires, entourés du respect de tous, se sont prononcés en toute indépendance.
Nous nous sommes, sans arrière-pensée aucune, inclinés devant leur arrêt. Nous nous inclinerons, de même, devant l'acte qu'un sentiment de profonde pitié a dicté à M. le président de la République.
Il ne saurait; plus être question de représailles, quelles qu'elles soient. Donc, je le répète, l'incident est clos.
Je vous demande, et, s'il était nécessaire, je vous ordonnerais d'oublier ce passé pour ne songer qu'à l’avenir.
Avec vous tous, mes camarades, je crie de grand cœur " vive l'armée ! " celle qui n'appartient à aucun parti, mais seulement à la France.

7ème et dernier épisode ( 20 avril 1903 - 12 juillet 1906 )

Le 20 avril 1903. Alfred Dreyfus obtint du ministre de la Guerre qu'une enquête fût ouverte sur le prétendu bordereau annoté par l'empereur allemand et sur le caractère . " mensonger et frauduleux ", du témoignage Cernuçky,.
Un examen sérieux et dépassionné des documents montre qu'aucun d'entre-eux n'accuse Dreyfus le 12 juillet 1906 Dreyfus est réhabilité ainsi que Picquart.

- Le procès de Rennes.

Les mesures prises à l'encontre de certains officiers, la modification des règles sur l'avancement et sur la composition du conseil supérieur de la Guerre, firent l’objet, d'une interpellation de. Denys Cochin, Grandmaison et Lasies, le jour même de la rentrée des Chambres (14 novembre 1899), : un ordre du jour " approuvant les actes de défense républicaine du gouvernement " fut voté par 317 voix contre 212, la majorité comprenant, avec la plus grande partie des radicaux et des socialistes, 88 républicains progressistes (16 novembre). Sur la plainte directe du ministre de la Guerre, le publiciste Urbain Gohier, rédacteur à l’Aurore, fut l'objet d’une information judiciaire pour avoir écrit des articles de nature à " détourner des soldats de leurs devoirs et commis le délit d'injures à l'armée ".

- Au cour des débats relatifs à l’élection de Gabriel Syvelon, trésorier de la Ligue de la Patrie française, Jaurès demanda une enquête sur les conditions dans lesquelles était intervenue la condamnation de Dreyfus par le conseil de guerre de Rennes. Il produisit une lettre de démission envoyée par le général de Pellieux, le jour même de la découverte du " faux Henry ", et Henri Brisson déclara que Cavaignac ne la lui avait pas communiquée, que ce dernier lui avait même caché pendant quelques jours la découverte du faux. Jaurès parla aussi, d'après des confidences d'un juge de Rennes, de l'usage qu'on aurait fait, pour influencer enfin le conseil de guerre, d'un bordereau annoté par l'empereur allemand. Une très vive discussion, à laquelle prirent part le général André, ses prédécesseurs Cavaignac, et Krantz, Lasies et Alexandre Ribot, se termina par l'adoption (357 voix contre 78 de l’ordre du jour Chapuis, affirmant la résolution de la Chambre " de ne pas laisser sortir l'affaire Dreyfus du domaine judiciaire " (7 avril 1903) . L’ordre du jour Jaurès-Brisson concluant à une enquête fut repoussé; Combes avait déclaré ne pas avoir de préférence pour ou contre l'enquête.

Le 20 avril 1903. Alfred Dreyfus obtint du ministre de la Guerre qu'une enquête fût ouverte sur le prétendu bordereau annoté par l'empereur allemand et sur le caractère . " mensonger et frauduleux ", du témoignage Cernuçky,.

Le général André communiqua au garde des sceaux Vallé, le 21 novembre, des procès-verbaux relatifs à dés constatations produites par le capitaine Targe et le contrôleur général Crétin plusieurs journaux affirmèrent que les recherches avaient amené la découverte de faux et autres pièces non communiquées à la Cour de cassation et aux juges de Rennes. Le ministre de la Justice saisit alors, pour avis, la commission compétente de la requête en révision présentée le 26 novembre par Alfred Dreyfus. Deux faits étaient allégués comme " faits nouveaux " :

1° Le général Mercier, à Rennes, a mentionné, dans sa déposition la pièce 371 du dossier secret dite: "D.... choses intéressantes ". IaquelIe est une lettre de Schwartzkoppen à Panizzardi (mars 1894)  ainsi conçue
Mon très cher ami, Hier soir j'ai écrit à A... et il m'a défendu de sortir. Nous ne pouvons donc aller chez vous, demain. Je vous prie de venir chez moi dans la matinée, car D... m'a apporté beaucoup de choses intéressantes et il faut partager le travail.
La lettre D aurait été récrite sur un grattage et la lettre grattée serait un P (Procès-verbal signé Targe, Gribelin et Dautriche);

2° Il a été fait usage à Rennes de la pièce 26 dite " chemins de fer " c'est-à-dire d'une lettre de Panizzardi à Schwartzkoppen, signée "  Alexandrine " et ainsi conçue :
Mon cher, j'ai reçu: merci. Il faut que vous ayez l'obligeance de m'envoyer de suite ce que vous avez copié, car il faut que je finisse parce que le 31 je dois envoyer à Rome, et avant ce temps vous aurez encore à copier la partie copiée par moi. Je vous annonce que j'aurai l'organisation des cheminsde fer.
Cette lettre portait, à l'encre rouge, la date avril 1894, mention sur laquelle l’accusation s'était fondée pour attribuer à Dreyfus la livraison des documents sur l’organisation des chemins de fer. D'après le ministre de la Justice, la date avril 1894 était de l'écriture du commandant Henry et constituait un faux. " En effet, disait-il dans sa lettre au procureur général, les recherches effectuées dans les archives du service des renseignements ont fait découvrir un cadenas établi le 1er avril 1895, signé du colonel Sandherr, et contenant, entre autres documents, une copie de la pièce 26 faite de la main de Gribelin, au moment de l'arrivée de cette pièce dans le service, copie de laquelle il appert que la lettre était datée du 28 mars 1895. " - Cette copie, affirmée authentique par son auteur, l'archiviste Gribelin, figurait dans l'énumération du bordereau signé Sandherr, entre des pièces s'échelonnant du 21 au 31 mars 1895, époque à laquelle Dreyfus était à l'île du Diable. Le ministre en concluait que la pièce 26 était de cette époque. tandis que le général Mercier, à Rennes, avait déclaré, en réponse à une question de M, Demange, que la pièce 26 était d'avril 1894 et qu'il l'avait secrètement communiquée au premier conseil de guerre, en décembre de la dite année 1894.

Le garde des sceaux insistait enfla sur des falsifications de comptabilité qui auraient eu pour but de dissimuler les mensualités versées à la " personne honorable " (marquis de Val-Carlos), de telle sorte que celle-ci, dans l'intérêt de l’accusation, parût désintéressée.

D'autre part, dans sa requête, Alfred Dreyfus présentait, classés sous deux chefs, les résultats de l'enquête du ministre de la Guerre :

Affirmations mensongères et témoignages suspects; - Pièces non produites au conseil de guerre de Rennes.

Le ministre de la Justice transmit le dossier au procureur général Baudoin et le chargea, par lettre du 25 décembre 1903, de déférer à la chambre criminelle de la Cour de cassation le .jugement de Rennes à fin de révision. En conséquence, le 17 janvier 1904, le procureur général requit, la chambre criminelle de déclarer recevable la, demande en révision, et " statuant au fond, de casser et annuler le jugement du conseil de guerre de Rennes ".

Le conseiller Boyer ne retint que les deux pièces D... choses intéressantes et Chemins de fer. " Il n'est pas téméraire, écrivait-il, de penser que la production devant le conseil de guerre des deux lettres écrites par B... et par A.... (no371 et 26 du dossier secret) a pu avoir sur l'opinion des juges une influence suffisante pour entraîner la condamnation. " Pour des motifs juridiques, il écartait, en tant que pièces nouvelles au sens de la loi, les lettres et documents au marquis de Val-Carlos, au témoin Cernuçky, etc.

Les débats de la Chambre criminelle eurent lieu en audience solennelle les :3, 4 et 5 mars 1904. La Cour entendit le rapport du conseiller Boyer, le réquisitoire du procureur général Baudoin et la plaidoirie de Me Mornard : elle rendit, le 5 mars 1904 un arrêt déclarant la demande recevable en la forme et ordonnant qu'il fût procédé par elle à une enquête supplémentaire. Cette enquête devait durer plus d'un an (1).

Annulation du jugement du conseil de guerre de Rennes (12 juillet 1906).

- La chambre criminelle de la Cour de cassation avait, par arrêt du 5 mars 1904 déclaré recevable en la forme la demande en révision du jugement prononcé en 1899 contre Alfred Dreyfus par le conseil de guerre de Rennes et ordonné une enquête supplémentaire

La "chambre criminelle, présidée par Chambareaud, entendit de nombreux témoins, notamment les généraux Mercier, de Boisdeffre, Gonse, Roget, Zurlinden, de Galliffet, les lieutenants-colonels Picquart, Hartmann, Stoffel, les commandants Cuignet et Lauth, la femme Bastian, l'agent Brücker, Gabriel Hanotaux, Casimir-Perier, Joseph Reinach, Victorien Sardou, Jaurès, Millevoye, Freycinet, Gabriel Monod, Paul Painlevé, Papillaud, Rochefort, Mme Séverine, etc. Elle refusa d'envoyer des commissions rogatoires aux officiers étrangers Schwarzkoppen et Panizzardi, Esterhazy et Cernuçki refusèrent de comparaitre.

La méthode Bertillon fut soumise à l’examen de trois experts désignés par l'Académie des sciences (Darboux, Appell et Henri Poincaré) et les généraux Balaman, Villien, Brun et Seard rédigèrent un rapport, sur les questions d'ordre militaire. Les pièces des dossiers secrets furent commentées par le commandant Targe.

L'affaire revint au mois de juin 1906 devant la Cour de cassation, toutes chambres réunies. Les débats commencèrent à huis clos le vendredi 15 et se continuèrent le lundi 18 en audience publique, sous la présidence du premier président Ballot-Beaupré. Le rapport avait, été confié au conseiller Moras; le procureur général Baudoin occupait le siège du ministère public, et Me Mornard soutenait la requête.

L'arrêt rendu le 12 Juillet 1906, était fondé sur des motifs dont voici l’analyse sommaire :

1/ Moyen de révision pris de la falsification de la pièce no 371 du dossier secret ( D, Choses intéressantes)
. - La Cour considère comme démontrée la Substitution de l'initiale D à l'initiale P, " et cette falsification, dont la découverte est postérieure au jugement du conseil de guerre de Rennes, a eu pour but de créer contre Dreyfus une présomption de culpabilité qui doit au contraire faire place à une présomption d'innocence, puisque, de la pièce 371 rétablie, il appert que, pendant l'année 1894 où a été écrit le bordereau incriminé, l'agent B recevait " beaucoup de choses très intéressantes d'un informateur qui n'était pas Dreyfus ",.

2/ Moyen pris de la falsification de la, pièce no 26 (Chemins de fer).
" Tout concourt à établir non seulement que la date " avril 1894 " a été inscrite par Henry sur la pièce 26 après la copie faite par Gribelin le 31 mars ou le 1er avril 1895 mais que, pour constituer rétroactivement une charge, contre Dreyfus, incarcéré depuis le 15 octobre 1894 l’inscription a eu lieu après le procès Zola en 1898, dans l'intervalle entre les premiers rapports, du général Gonse. qui passaient la pièce 26 sous silence, et celui dans lequel elle est indiquée pour la première fois "

3/ Moyen pris de la découverte de la minute d'une note du 27 mars 1893 et concernant l'attribution de l'artillerie lourde aux armées
- Cette minute, qui avait disparu, ne pouvait être l'oeuvre que du commandant Bayle ou de son stagiaire le capitaine Dreyfus : on avait estimé que, le commandant Bayle étant au-dessous de tout soupçon, la disparition de la pièce était imputable à Dreyfus, et cette circonstance été retenue contre lui par les généraux . Mercier, de Boisdeffre, et Gonse, comme une présomption de culpabilité. Or, le 12 mars 1904, il avait été trouvé aux archives du 1er, bureau de l'état-major général une copie de la note du 27 mars, sur laquelle le mot minute " était écrit au crayon, incontestablement de la main du commandant, Bayle. Si celle pièce avait été soumise au conseil de guerre de Rennes, " imputation contre Dreyfus aurait été détruite " .

De l'ensemble de ces moyens de révision et sans statuer sur les autres moyens proposés, la Cour concluait que des faits nouveaux ou des pièces inconnues du conseil de guerre de Rennes étaient de nature à établir l'innocence du condamné et à entraîner l'annulation du jugement.

Elle recherchait ensuite au fond si, dans la cause, il y avait bien lieu à l’application du paragraphe final de l'article 445, aux termes duquel, lorsque I’annulation prononcée, à l’égard d'un condamné vivant ne, laisse rien subsister qui puisse être qualifié crime ou délit, aucun renvoi ne sera prononcé. Rappelant que, devant le conseil de guerre de Rennes, la base essentielle de l'accusation avait été Ie bordereau, elle en attribuait formellement, l'écriture à Esterhazy et opposait, tant au système du docteur Bertillon qu'aux systèmes dérivés du capitaine VaIerio et du commandant Corps, les conclusions des trois membres de l'Académie des sciences : Darboux, Appel et Henri Poincaré, nommés pour étudier ce système, ainsi que la brochure, dite la " brochure verte ". dont l’auteur, qui signait, " Un ancien élève de l'École polytechnique ", n'avait pu être retrouvé. Après avoir fait état, quant aux énonciations du bordereau, des résultats de l'enquête et du rapport des quatre généraux commis par Le ministre de la Guerre, la Cour déclarait qu’ " au point de vue, soit de l’écriture, soit, du texte, l'accusation, dont le bordereau était la base légale, était entièrement injustifiée " ; elle écartait les charges accessoires soulevées contre Dreyfus et dont le conseil de guerre de Rennes n'était pas régulièrement saisi; elle refusait, de voir dans les propos tenus au capitaine Lebrun-Renaud de véritables aveux; enfin, passant brièvement sur le dossier secret, dont "  un très grand nombre de pièces étaient sans intérêt et sans portée dans la cause " l'arrêt insistait toutefois sur le bruit d'après lequel la pièce présentée comme étant le bordereau saisi n'aurait été que la copie sur papier pelure du bordereau original portant de la main d'un souverain étranger une annotation accusatrice contre Dreyfus. " Celle légende. disait la Cour, doit être mise à néant ", attendu que, " dans leurs dépositions reçues sous la foi du serment en 1904, cette allégation, ainsi que celle d'une prétendue lettre du même souverain, avait été démentie par le président Casimir-Perier, les généraux Mercier, Billot, Zurlinden, de Boisdeffre, Gonse, Roget, les lieutenants-colonels Picquart, du Paty de Clam, Rollin et les autres officiers du service des renseignements. Le général Mercier aurait dit notamment : " C’est une légende complètement inexacte; rien, rien, rien n'a pu y donner lieu ".

" Attendu en dernière analyse que, de l'accusation portée contre Dreyfus, rien ne reste debout :
" Et que l'annulation du jugement du conseil de guerre ne laisse rien subsister qui puisse, à sa charge, être qualifié crime ou délit;
" Attendu, dès lors, que, par application du paragraphe final de l'article aucun renvoi ne peut être prononcé,

PAR CES MOTIFS,

Annule le jugement du conseil de guerre de Rennes qui, le 9 septembre 1899 a condamné Dreyfus à dix ans de détention et à la dégradation militaire par application des articles 76 et 463 dit Code pénal et 1er de la loi du ,8 juin 1850,
Dit que c'est par erreur et à tort que cette condamnation a été prononcée;.
Donne acte à Dreyfus de ce qu'il déclare renoncer à demander l'indemnité pécuniaire que l'article 446 du Code d'instruction criminelle permettait de lui allouer :
Ordonne, en conformité de cet article, que le présent arrêt sera affiché à Paris et à Rennes, et sera inséré au Journal officiel, ainsi que dans cinq journaux aux choix de Dreyfus :
Autorise Dreyfus à le faire en outre publier aux frais du Trésor et au taux des insertions légales dans cinquante journaux de Paris et de province, à son choix;
Ordonne que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du greffe du conseil de guerre et que mention sera faite en marge de la décision annulée.

Le rapport du conseiller Moras concluait au renvoi du capitaine Dreyfus devant un nouveau conseil de guerre; le réquisitoire dit procureur général Baudoin, à la cassation sans renvoi. La Cour, adoptant les conclusions du ministère public, interprétait la disposition finale de l'article 445; en ce sens qu'il n'y a pas lieu a renvoi, lorsque l’arrêt, examinant tous les éléments de l'accusation, établit, que rien ne subsiste qui puisse être qualifié crime ou délit à la charge du condamné. Dans l’interprétation contraire, il faut en outre que le fait générateur des poursuites soit reconnu inexistant, que la matérialité du crime ou du délit ne demeure il l'égard de personne, que la criminalité ait disparu in rem et non seulement, in personam, que le condamné ait prouvé erga omnes l'inexistence de l'infraction.

Le défenseur de Dreyfus, Me Mornard, avait, comme le procureur général, demandé aussi la cassation sans renvoi, par le double motif qu'il ne restait plus rien à la charge personnelle de Dreyfus et que, en tout état de cause, il ne pourrait être procédé à des débats contradictoires entre toutes parties, Esterhazy étant certainement, partie au procès et son acquittement mettant obstacle à ce qu'il fût de nouveau traduit, en conseil de guerre.

L'amnistie. Réintégration du capitaine Dreyfus et du lieutenant-colonel Picquart.

- Dès que la Cour de cassation eut rendu son arrêt, le parlement vota les projets de loi réintégrant dans les cadres de l'armée le capitaine Dreyfus avec le grade de chef d'escadron et le lieutenant-colonel en réforme Picquart avec le grade de général de brigade. Au Sénat, le général Mercier ayant déclaré que sa conviction, fondée sur les débats de 1899, n'était pas ébranlée. Delpech lui répondit qu'il devrait remplacer Dreyfus au bagne si les révisionnistes voulaient " pousser plus loin leur besoin de justice ".

Dès qu'elle eut voté la réintégration de Dreyfus et de Picquart, la Chambre discuta une interpellation de Francis de Pressensé, visant les accusateurs de Dreyfus. Les débats furent si vifs, qu'un député radical et un député socialiste en vinrent aux mains. Le général Mercier fut, défendu par Maurice Barrès, le commandant Cuignet, par Lasies. L'interpellateur avait présenté un ordre du jour invitant le gouvernement à " prendre les mesures nécessaires pour ne pas laisser aux auteurs ou complices de tant d'attentats le dépôt d’une portion de la force armée et la jouissance de certaines distinctions honorifiques ". La Chambre préféra adopter l'ordre du jour Réveillaud, ainsi conçu :

La Chambre, rendant, hommage aux artisans de la révision, flétrissant les auteurs des crimes qui ont été, dénoncés par l'arrêt de la Cour de cassation. et confiante dans le gouvernement pour, prendre les mesures et exercer les sanctions nécessaires, passe à l’ordre du jour.

Le gouvernement, annonça que l'arrêt du 12 juillet 1906 serait inséré dans l' " édition des Communes " du Journal officiel, c'est à dire affiché dans toutes les mairies, et la Chambre déclara ensuite

 

Les protagonistes

Dreyfus Capitaine accusé et condamné pour espionnage
Du Paty de Clam Commandant qui mène l’enquête qui abouti à l’inculpation de Dreyfus
Mercier Général ministre de la guerre au moment de l’accusation remet un dossier secret aux juges
Henry Commandant qui communique la pièce maîtresse de l’accusation " le bordereau " pièce qui prouverait qu’un personnage à remis des documents à l’Allemagne. Plus tard, guidé par un sentiment patriotique il fabrique un faux destiné à confirmer le bien fondé de la condamnation de Dreyfus. Démasqué, il sera écroué et se suicidera en prison
Gobert et Pelletier Experts en écritures qui déclarent que le bordereau n’est pas de la main de Dreyfus
Bertillon, Étienne Charavay et Teissonnières Experts en écritures qui déclarent que le bordereau est de la main de Dreyfus
Picquart Chef des services de renseignements de l’armée soupçonne Esterhazy d’être l’auteur du bordereau arrêté après le blanchiment de ce dernier lors du conseil de guerre du 11 janvier 1898. Il est mis en réforme en février 1898.
Scheurer-Kestner Vice président du Sénat demande la révision du procès Dreyfus suite aux soupçon de Picquart
Esterhasy Commandant dans l’armée française soupçonné par Picquart d’être l’auteur du bordereau. Blanchi par le conseil de guerre le 11 janvier 1898. Il s’enfuira en Angleterre en septembre 1898
Emile Zola Il avait déjà pris la défense de Dreyfus mais après le blanchiment de Esterhazy il publie dans l’Aurore une lettre au président de la république intitulée J’ACCUSE le 13 janvier 1898. Il est assigné en justice avec le gérant du journal Perrenx. Ils sont condamnés le 23 févriers 1898
Perrenx Gérant de l’Aurore assigné en justice après J’ACCUSE il sera condamné au même titre que Zola
Billot Général chef de l’armée déclare à plusieurs reprises qu’il tient Dreyfus comme coupable, ministre de la guerre dans le gouvernement Méline.
Cuignet Capitaine chargé par le ministre de la guerre Cavaignac d’étudier minutieusement les pièces du dossier découvre que l’une des pièce est fausse ce qui confirmait les dires de Picquart
   

 

Tout ce qui n'est pas encadré est extrait de Histoire de France contemporaine - de 1871 à 1913 - Larousse

 

Fiche revue le 17/02/2010

Document N° 065

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